Pourquoi le multitâche ne fonctionne pas
HipChat, Facebook, Skype, Reddit, Instagram, nous sommes envahis par un afflux incessant de motifs de distraction. Comme il semble impossible de les refouler, nous tentons de les concilier avec nos responsabilités. Et nous nous disons que nous gagnons en efficacité avec le multitâche. Or, ce n’est qu’une illusion de productivité. De sérieuses études scientifiques démontrent que le cerveau n’est capable de traiter qu’une seule information en même temps. Il en résulte que faire plusieurs choses à la fois nous fait perdre le tiers de notre temps sur une journée.
Pourquoi le multitâche ne fonctionne pas comme nous l’aurions souhaité ? Découvrez la vérité sur cette méthode et pourquoi il peut nuire à votre travail ainsi qu’à vos projets.
Des vérités insoupçonnées, mais prouvées scientifiquement sur le multitâche
Dans notre monde hyperconnecté, nous avons la ferme conviction d’être multitâches. Avec nos smartphones, nous jonglons aisément entre les applications en tout genre et les autres actions que nous effectuons presque automatiquement au quotidien.
- En réalité, notre capacité à passer de plus en plus vite d’une tâche à l’autre crée l’illusion d’être en mode multitâche.
Dans notre quotidien, nous répondons à un message tout en écoutant un podcast. Bien souvent, nous faisons la vaisselle et suivons les nouvelles à la radio, etc. Nous avons ainsi l’impression de parvenir à réaliser plusieurs activités en même temps. Cependant, zapper très vite d’une tâche à l’autre ne signifie pas que nous les exécutons simultanément. Au contraire, nous les effectuons de manière séquentielle. C’est justement la raison pour laquelle certains chercheurs des grandes universités occidentales l’ont rebaptisé switchtasking. Nous exécutons une tâche puis la laissons de côté pour passer rapidement à une autre, avant d’y revenir.
- Le multitâche n’existe pas puisque, neurologiquement, c’est impossible pour le cerveau.
Dans les faits, cet organe est tout simplement incapable de réaliser deux choses à la fois. Certes, il enchaine très rapidement diverses activités, vous donnant ainsi l’impression de travailler en mode multitâche. Mais ce n’est bien qu’une simple illusion.
Plusieurs études neuroscientifiques ont démontré que notre cerveau ne peut pas faire du multitâche. Les recherches des neurologues français Sylvain Charron et Étienne Koechlin du Laboratoire de neurosciences cognitives de l’INSERM en 2010 l’ont bien confirmé. Notre cerveau n’a pas la capacité de traiter plusieurs tâches de manière strictement simultanée dès lors que celles-ci mobilisent les mêmes fonctions cérébrales.
- Notre cerveau peut réaliser deux activités en parallèle à une seule condition : que l’une d’entre elles soit automatique.
Il nous arrive de chanter des tubes que nous connaissions par cœur tout en conduisant notre voiture ou notre moto. Très souvent, nous discutons en marchant aussi. Dans ces deux situations par exemple, entonner des chansons ou marcher ne sollicite pas une totale concentration. Nous répétons quotidiennement et de manière inconsciente ces comportements. Notre cerveau peut ainsi se focaliser sur l’autre action.
Toutefois, si deux activités mobilisent simultanément le centre langagier ou les zones de la motricité, le cerveau ne traitera qu’une seule activité. C’est pourquoi il est fortement déconseillé de téléphoner au volant. Ces actions requièrent de la concentration et le risque de commettre un accident est élevé en pareille situation. Aux États-Unis, 20 % des adolescents renversés par un véhicule étaient au téléphone au moment des faits.
- Le QI régresse progressivement en mode multitâche
De grands spécialistes de la neurologie de l’université du Sussex à Londres ont approfondi leurs recherches sur le multitâche et ses effets sur le cerveau. Elles portaient sur des salariés jonglant entre leur travail et les messages électroniques (SMS, emails, FB, etc.). Les résultats sont surprenants. Leur quotient intellectuel a diminué ; les adeptes de nuits blanches ou même des fumeurs de cannabis s’en sortent mieux par rapport à eux.
D’après les travaux de ces spécialistes, le multitâche ralentit directement l’activité intellectuelle. Il réduit petit à petit les fonctions cognitives rationnelles telles que la prise de décision, le contrôle des émotions et des impulsions ainsi que l'empathie. Pire encore, si la personne ne modifie pas son mode de travail, ses conséquences dévastatrices s’aggraveraient sur le long terme. Son quotient intellectuel (QI) régresserait de 10 à 15 points, avoisinant en pareil cas celui d’un enfant de 8 ans. Cette conclusion a certainement de quoi inquiéter !
- La créativité décroît rapidement
Ces neurologues ainsi que d’autres chercheurs des universités de l’Illinois et de Chicago ont aussi conclu que le multitâche contribue largement à la baisse de la créativité. Ce mode de fonctionnement mobilise la majeure partie des capacités mémorielles du cerveau. Cette saturation de l’attention ne laisse par conséquent aucune place à la créativité, à l’émergence d’idées nouvelles ou de solutions appropriées.
Ils sont même arrivés à démontrer que travailler en multitâche pouvait littéralement causer des dommages irréversibles sur le cerveau. Il en résulte donc une forte baisse de sa capacité à apprendre.
Le multitâche, un terme apparu dans les années 1960 et ses impacts
Remontons le temps pour découvrir les origines du mot « multitâche ». Il est apparu dans un contexte bien particulier, à l’époque où les premiers ordinateurs ont été conçus, vers les années 60. Leur puissance de calcul était encore très limitée. Il fallait donc leur créer un système d’exploitation capable de gérer et d’effectuer plusieurs opérations à la fois. Le terme anglophone « multitask » provient initialement du domaine informatique. Il désigne la nouvelle capacité des ordinateurs à exécuter plusieurs tâches en même temps. Et c’était particulièrement une prouesse en ces temps-là.
Plus tard, les PDA et autres gadgets de productivité personnelle ont émergé, vers la fin des années 90 et au début des années 2000. Le multitâche a été alors adopté comme la nouvelle manière de travailler, renforcée par l’avancée rapide des technologies.
Cette terminologie est devenue très tendance depuis 2010. Nous avons à cet effet appris à mettre en valeur sur nos CV notre capacité à effectuer divers types de projets et travaux à la fois. Jusqu’aujourd’hui, les adeptes du multitâche sont encore considérés comme des employés particulièrement efficaces et très performants.
Mais avec les révélations du monde médical, le multitâche sera-t-il encore vivement recommandé ?
Autres raisons pour arrêter le multitâche et les solutions appropriées
Nous ne serions pas rassurés si un chirurgien ou un pilote d’avion effectuait deux choses à la fois. Alors pourquoi ferions-nous deux choses simultanément ? Le multitâche affecte notre performance et la qualité de notre travail ainsi que notre santé.
- Le multitâche nous rend moins performants et moins productifs.
Jongler entre différentes tâches, c’est focaliser notre attention sur une activité, puis sur l’autre. D’après les scientifiques, effectuer plusieurs tâches décisives en parallèle fait chuter notre performance globale de 20 à 50 %. Il allonge aussi le temps d’exécution de 30 % à 200 %. Et le nombre d'erreurs s’en trouve multiplié. Nous perdons ainsi en efficacité et en performance à cause de l’épuisement mental intense et durable.
La solution, c’est d’écarter temporairement toutes les sources de distractions, notamment le téléphone et l’internet. En effet, d’après des travaux de recherches récents, envoyer des messages tout en conduisant sur une route inconnue réduit le temps de réaction de 35 %. Le risque d’accident est multiplié par 23.
Transposés dans le contexte du travail, ces chiffres prouvent à quel point le multitâche peut être néfaste pour la productivité d’un employé. Et il peut même compromettre la réussite d’un projet.
- S’adonner au multitâche ruine petit à petit notre capacité à faire du bon travail.
Ce passage d'une tâche à l'autre exige aussi énormément de ressources cérébrales. Or, notre mémoire de travail qui est chargée du processus d'apprentissage, du raisonnement et de la prise de décision dispose en réalité d'une capacité limitée. Elle s’épuise si elle est trop sollicitée. De plus, cette charge cognitive plus élevée nous expose davantage aux erreurs.
Ces résultats de recherches expliquent pourquoi les adeptes du multitâche ont généralement tendance à effectuer moins bien leurs missions. Très souvent, ils ne se rendent pas compte que s’attaquer simultanément à différentes tâches revient à toutes les négliger.
- Multitâche et stress vont souvent de pair.
Le multitasking nous pousse à vouloir être sur tous les fronts et à tout simplifier parfois. Il diminue notre capacité de concentration et d’analyse. Et le fait de passer rapidement d’une activité à une autre, et d’y revenir fréquemment, va engendrer une dose croissante de stress.
En cas de distractions ou d’interruptions fréquentes, il est encore plus difficile de revenir à la tâche en cours. Si vous êtes moins attentif, vous serez moins performant. Vous prendrez alors plus de temps pour mener à terme vos tâches, ce qui provoquera des retards et des coûts supplémentaires. Vous serez de plus en plus stressé, car vous n’avancez pas assez vite. Cette situation engendrera de nombreuses frustrations, notamment le sentiment du travail inachevé. Et vous risquez de perdre en crédibilité auprès de vos responsables et vos collègues.
La solution : choisissez de fonctionner en monotâche. Répartissez convenablement le temps imparti aux différents travaux. Vous serez à la fois motivé, satisfait et soulagé d’avoir accompli votre travail. Pensez également à déléguer une partie de travaux si c’est possible.
Le travail de Steve Uzzell, ses méthodes et recommandations
Le multitâche est aujourd’hui tout aussi envahissant qu’omniprésent à travers les jeux vidéo, les réseaux sociaux, les smartphones et dans le monde professionnel. Cependant, comme l’affirmait Steve Uzzell, « le multitasking, c'est juste l'occasion de rater plusieurs choses à la fois. ».Ce conférencier de renommée internationale est bien placé pour le savoir.
- Un parcours exceptionnel et passionné par la photographie
Cet ancien assistant du rédacteur en chef du magazine National Geographic et photographe primé est aussi un conférencier motivateur hors pair. De nombreuses distinctions lui ont été décernées, notamment : dix prestigieux prix des arts de la communication. Grand voyageur également, il a enchainé conférence après conférence, sillonnant les États-Unis, cinq autres pays incluant la Chine et l'Inde, et trois provinces canadiennes.
Au cours des 15 dernières années seulement, il y a partagé ses expériences de terrain à travers Open Roads Open Minds - An Exploration of Creative Problem Solving. Plus de 460 organisations dans les 50 États américains et un auditoire mondial de plus d'un demi-million de personnes ont bénéficié de cette présentation qui lui a valu sa célébrité. Basé sur l’approche créative, son contenu a fait l’objet d’un livre, qui est aussi devenu un ouvrage de référence traduit dans plusieurs langues. Son travail éditorial est diffusé à travers plus de 50 publications, dont Time et U.S. News & World Report, Newsweek et Smithsonian.
- Le processus créatif, une aventure à chaque fois renouvelée
Dans ses conférences, Steve Uzzell aborde les démarches et les méthodes qu’il a adoptées afin d’obtenir des photographies exceptionnelles, capturées sous des angles insoupçonnés. Ainsi, chaque approche qu’il a adoptée dans son travail photographique est considérée comme le modèle universel pour la résolution de problèmes.
Il incite son public à considérer chaque obstacle comme le chemin qui mènera à la découverte de nouvelles opportunités d’atteindre son objectif. Ainsi, au lieu d’aborder chaque prise de vue par la routine, il procède autrement, encourageant ses auditeurs à faire de même au quotidien. Il conditionne leur esprit grâce à cette préparation en amont. Et « le hasard favorise les esprits préparés », affirme-t-il souvent, une citation qu’il a empruntée à Louis Pasteur. Face aux obstacles, il les invite ainsi à garder l’esprit ouvert et à avoir l’ingéniosité de transformer en levier. Cette démarche, il l’a lui-même expérimentée à maintes reprises, dans son travail de photographe pour des clients importants comme Boeing et Honda ainsi que le National Geographic. « Attendez-vous à découvrir des solutions dans des endroits inattendus », se plaît-il à dire.
- Ses principes pour surmonter les difficultés
Dans toutes ses approches, Steve Uzzell entraîne son public à développer davantage son imagination et surtout sa créativité. Toujours en corrélation avec la photographie, le processus se résume comme suit :
- analyser la situation pour faire votre propre repérage sur le terrain,
- explorer suffisamment le cadre environnant afin de bien décrire le résultat attendu,
- cerner le problème qui empêche d’atteindre la vision puis le clarifier,
- découvrir les solutions appropriées ou en créer pour faire resurgir l’originalité de la scène capturée,
- visualiser la solution puis suivre le chemin qui vous relie à elle.
Ces étapes facilitent le démantèlement des obstacles. Et c’est justement ce que Steve Uzzell enseigne à travers ses conférences mondiales.
Conclusion
Le multitâche résulte en général de notre impatience. Passer en multitâche peut nuire à notre travail sous certaines conditions. Certes, il n’existe pas de solution miracle à une meilleure productivité, mais établir des priorités et s’y consacrer entièrement est un bon point de départ.
Pour en savoir plus
- Comment déchaîner votre cerveau: dans un univers hyperconnecté et multitâche, Theo Compernolle, Compublications, 2017
- Malades des nouveaux médias, Larchet, Jean-Claude, Editions du Cerf, 2016
- Lâche ton téléphone !, Catherine Price, Le Livre de Poche, 2018